EMI : que disent les statistiques ?

En 2014, de trop nombreux scientifiques doutent encore de l’existence des EMI ou EMP (Expérience de Mort Imminente, ou Etat de Mort Provisoire ; en anglais NDE, Near Death Experience), le plus souvent par manque d'informations officielles à ce sujet. Les témoignages sont très rares avant la seconde moitié du XXe siècle, les moyens de réanimation n'étant pas aussi nombreux et sophistiqués qu'aujourd'hui. “Il existe peu d’études sur ce sujet, et cela pour plusieurs raisons, explique le docteur Jean-Pierre Jourdan, membre de l’association IANDS France (Association Internationale pour l’Etude des Etats Proches de la Mort). Notamment parce que les personnes qui ont vécu de telles expériences n’ont pas toujours l’envie ou la force de les raconter, d’autre part parce qu’on manque de moyens financiers pour pratiquer de telles études.”

Selon les études disponibles, entre 8 et 35 % des personnes confrontées à un risque vital rapportent une EMI. On en trouve dans le monde entier, les récits sont donc indépendants de la religion et de la culture, mais il y a tout de même une forte prévalence des États-Unis par rapport au reste du monde, y compris par rapport à l'Europe qui a pourtant un niveau de soins équivalent relativement aux techniques de réanimation. D'après un sondage de 1982, huit millions d'Américains affirmaient avoir vécu une EMI. Dix ans plus tard, un sondage Gallup (Gallup Poll) recensa 13 millions d'Américains ayant expérimenté une EMI, soit 5% de la population des États-Unis en 1992 (estimée à 260 millions). 


 Des études statistiques plus récentes (Institut Gallup 1993, US News and Word Report 1997, INA Schmied 1999) évoquent le chiffre de 60 millions d'individus à avoir connu cette expérience transcendante après un arrêt cardiaque : 4% de la population occidentale (2,5 millions de Français, 12 millions d'Américains), beaucoup moins dans les régions de la planète où les possibilités de réanimation sont quasi inexistantes. Les études prospectives menées en France et dans le monde montrent que le sexe, l'âge, la catégorie socioculturelle et la religion n'ont aucun effet sur les perceptions durant l'EMI.



Une étude locale de 2002 (Schwaninger J. & al. A prospective analysis of Near-Death Experiences in cardiac arrest patients. Journal of Near Death Studies, 20 (4), summer 2002, 215-232) a porté sur tous les patients ayant subi un arrêt cardiaque entre 1991 et 1994 à St Louis, Missouri, au Barnes-Jewish Hospital, soit 174 personnes. Parmi celles-ci, 55 ont pu être réanimées, et 30 ont pu être interviewées. Sept d’entre elles (23%) ont rapporté une EMI.

Une enquête du Professeur Pim Van Lommel, un médecin de l’Hôpital néerlandais Rijnstate, fut publiée dans le très sérieux journal médical The Lancet du 15 décembre 2001 (Van Lommel Pim & al., Near-Death Experience in survivors of cardiac arrest : a prospective study in the Netherlands. The Lancet, vol 358). Cette étude, qui prend en compte de nombreuses variables (médicales, démographiques, sociales, religieuses, etc.), a porté sur 344 personnes, hospitalisées dans 10 hôpitaux néerlandais. Après un électrocardiogramme, ces personnes, toutes victimes d’une crise cardiaque, ont été déclarées cliniquement mortes. Mais toutes ont “ressuscité”. 

Ces patients ont répondu à des questions immédiatement après leur accident cardiaque, puis 2 ans et 8 ans après. Sur les 344 participants à l’étude, 62 personnes (18 %) ont déclaré avoir vécu une EMI. S’ils n’apportent pas beaucoup d’éléments nouveaux, leurs témoignages n’en demeurent pas moins troublants. Aucune de ces personnes n’a ressenti de peur ou d’angoisse de cette expérience de mort imminente. La moitié d’entre elles se sont rendu compte qu’elles étaient mortes. 56 % ont ressenti des émotions positives. 32 % ont affirmé avoir rencontré des personnes décédées, 31 % ont raconté qu’elles avaient parcouru un tunnel.

Deux ans après le premier entretien, 19 des 62 personnes qui ont vécu une EMI étaient mortes et 6 ont refusé de poursuivre ces travaux. Les survivants qui ont accepté de répondre aux scientifiques ont déclaré que leur croyance dans la vie après la mort avait augmenté, et que leur peur de la mort avait diminué de façon significative. Huit ans après leur accident, ces sentiments sont devenus encore plus évidents pour eux ! En revanche, ces réactions n’apparaissaient pas à travers les réponses des personnes qui n’ont pas vécu d’EMI.

En 2001, l’étude de Sam Parnia (Parnia S., Waller D.G., Yeates R., Fenwick P. A qualitative and quantitative study of the incidence, features and aetiology of near death experiences in cardiac arrest survivors. Resuscitation 48 (2001) 149-156), menée en Grande Bretagne au Southampton General Hospital dans les mêmes conditions, a porté sur 62 patients dont 11,1% ont rapporté une expérience survenue durant leur mort apparente.

Selon une enquête conduite en Allemagne (Knoblauch H., Schmied, I. (2001). Différentes Sortes d'Expériences de Mort Imminente: un Rapport sur une Enquête d'Expériences de Mort Imminente en Allemagne. Journal des Études de Mort Imminente, 20(1), 15-29), 4 % sur plus de 2000 personnes interrogées rapportèrent avoir expérimenté une EMI.

Si ces études scientifiques ont permis d’établir des statistiques sur les EMI, elles n’ont pas élucidé les causes qui les provoquent. Pourquoi certaines personnes, cliniquement mortes, déclarent-elles se sentir partir hors de leur corps, se voir réanimées ou transportées en brancard, et se souviennent d’être passées dans un long tunnel avant de revenir à la vie ? Pourquoi est-ce que les expériences d’EMI semblent toutes similaires ? Pourquoi se produisent-elles lors de situations aussi différentes qu’une noyade, une opération pour laquelle les patients ont été prémédiqués et anesthésiés ou une séance de méditation ?

Selon le professeur Pim Van Lommel, ces expériences ne sont pas uniquement dues au manque d’oxygène dans le cerveau (une théorie souvent évoquée) car, si c’était le cas, “la plupart des victimes de crises cardiaques auraient vécu de telles expériences” déclare-t-il. Enfin, les médicaments et les facteurs psychologiques ne sont pas non plus en cause. Mais au-delà de ces questions restées sans réponse, cette étude apporte un éclairage particulier sur le fonctionnement du cerveau. La conscience et la mémoire sont-elles uniquement localisées dans le cerveau ? Selon Pim Van Lommel, la question doit être étudiée. “Ce genre d’étude nous en apprend un peu plus sur ce qu’est la conscience, affirme Jean-Pierre Jourdan. Et cette question est passionnante !”

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire